Les types de fautes conjugales dans un divorce : adultère, abandon, violences et autres manquements

Le divorce pour faute, bien que moins fréquent aujourd'hui, demeure une procédure judiciaire où la notion de manquement aux obligations du mariage est centrale. Loin d'être une simple liste de griefs, la qualification d'une faute repose sur une appréciation fine des devoirs que se doivent mutuellement les époux en vertu du Code civil. Comprendre ce qui constitue une faute est donc essentiel dans le cadre plus large du cadre général du divorce pour faute. Ces manquements sont au cœur de la la procédure de divorce contentieux, où la preuve et l'imputabilité des faits deviennent des enjeux déterminants. Cet article a pour objectif de détailler les différentes catégories de fautes reconnues par la jurisprudence, des plus classiques aux plus récentes.

Le devoir de fidélité : adultère et infidélité

Définition de l'adultère et interprétation large par la jurisprudence

Le devoir de fidélité, inscrit à l'article 212 du Code civil, est l'une des obligations fondamentales du mariage. Sa violation la plus évidente est l'adultère, traditionnellement défini comme le fait d'entretenir des relations sexuelles avec une personne autre que son conjoint. Toutefois, la jurisprudence a adopté une conception plus large de l'infidélité. Il n'est pas nécessaire de prouver une relation charnelle pour qu'un manquement à ce devoir soit caractérisé. Des comportements injurieux pour le conjoint peuvent suffire. Ainsi, le fait d'entretenir des relations équivoques avec un tiers, même sans contact physique, peut constituer une faute. La Cour de cassation a par exemple jugé que l'échange de courriels intimes avec de multiples correspondants via un site de rencontres constituait un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage (Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-16.649). De même, une expertise biologique prouvant que le mari n'est pas le père biologique d'un enfant né pendant le mariage est une preuve recevable de l'adultère de l'épouse.

Absence d'automaticité de la faute

Bien que l'adultère demeure une faute au regard des obligations du mariage, il ne constitue pas une cause automatique de divorce. Le juge du fond dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier la gravité des faits au regard du contexte conjugal. Une relation extraconjugale peut ne pas être jugée suffisamment grave pour justifier le prononcé du divorce. Ce peut être le cas si l'époux qui invoque la faute avait connaissance de la liaison depuis un certain temps sans réagir, ou si le couple avait adopté un mode de vie "libertin" d'un commun accord. Dans une affaire, une épouse ne pouvait reprocher à son mari de poursuivre des pratiques échangistes auxquelles elle avait consenti et participé pendant plus de dix ans (CA Chambéry, 4 févr. 2014, n° 13/00870). L'appréciation se fait donc in concreto, en fonction de l'histoire et des habitudes du couple.

Persistance du devoir de fidélité même après séparation

Le devoir de fidélité ne cesse pas avec la séparation des époux. Il persiste tant que le jugement de divorce n'est pas définitif. Par conséquent, un adultère commis pendant la procédure de divorce peut tout à fait être invoqué comme une faute. L'introduction de la demande en divorce ne confère aucune immunité aux conjoints. Cependant, les juges peuvent moduler leur appréciation en fonction des circonstances. Par exemple, une infidélité survenant après de nombreuses années de séparation de fait, dans le cadre d'une procédure particulièrement longue, pourra être considérée avec moins de sévérité, le lien affectif étant manifestement rompu depuis longtemps.

La bigamie comme faute grave

La bigamie représente une violation particulièrement grave du devoir de fidélité. Le fait pour un époux de contracter un second mariage à l'étranger avant même que le divorce ne soit prononcé en France constitue une faute justifiant le divorce à ses torts exclusifs. Peu importe que cette seconde union soit nulle au regard du droit français ; l'acte lui-même est considéré comme un manquement outrageant aux obligations du mariage, rendant intolérable la poursuite de la vie commune.

Le devoir de communauté de vie : abandon et refus

Manquements à la cohabitation charnelle (devoir conjugal)

La communauté de vie implique traditionnellement une "communauté de toit et de lit". Le refus persistant et injustifié d'entretenir des relations intimes a longtemps été considéré comme une violation du "devoir conjugal" et donc comme une faute. Cette notion est aujourd'hui largement considérée comme anachronique, notamment depuis la reconnaissance du viol entre époux par la loi. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a d'ailleurs condamné la France pour avoir prononcé un divorce aux torts exclusifs d'une épouse pour ce motif, y voyant une atteinte au droit au respect de la vie privée et à la liberté de disposer de son corps (CEDH, 23 janv. 2025, n° 13805/21). Si un refus systématique et injurieux peut encore être analysé comme une faute, il ne l'est pas s'il est justifié par des raisons légitimes, telles que l'état de santé ou l'âge avancé d'un conjoint.

L'absence de cohabitation et l'abandon du domicile conjugal

L'obligation de communauté de vie n'impose pas une cohabitation permanente sous le même toit. Les époux peuvent avoir des domiciles distincts, notamment pour des raisons professionnelles, sans que cela constitue une faute. L'élément déterminant est l'intention de maintenir une vie de couple. La faute se caractérise donc par l'abandon du domicile conjugal, c'est-à-dire une rupture unilatérale et volontaire de la vie commune. L'époux qui quitte le foyer sans motif légitime commet une violation grave des obligations du mariage. Cependant, le départ peut être justifié par des circonstances particulières, dont la preuve doit être rapportée. Le cas le plus fréquent est celui des violences conjugales, qui légitiment le départ du conjoint victime pour assurer sa sécurité et celle des enfants.

Le devoir d'entraide et d'assistance

Le défaut d'aide matérielle ou morale

L'article 212 du Code civil impose aux époux un devoir de secours et d'assistance. Il s'agit d'une obligation de solidarité conjugale qui se manifeste tant sur le plan matériel que moral. Le manquement à ce devoir peut prendre diverses formes : un désintérêt pour la vie de famille, un manque de soutien dans les difficultés, ou une absence de contribution aux charges du ménage en proportion de ses facultés. Cette faute est souvent appréciée en lien avec d'autres manquements, comme l'abandon du domicile conjugal sans laisser de moyens de subsistance à sa famille.

Abandon du conjoint malade

Le manquement au devoir d'assistance est particulièrement caractérisé en cas de maladie ou d'accident grave de l'un des conjoints. L'abandon d'un époux en état de vulnérabilité constitue une faute d'une particulière gravité. La jurisprudence a ainsi pu prononcer le divorce aux torts exclusifs d'un mari qui s'était progressivement désintéressé de son épouse malade pour se consacrer uniquement à son travail (Cass. 1re civ., 25 févr. 2009, n° 08-13.413). De même, le fait de refuser d'accompagner son conjoint à l'hôpital, de ne pas répondre à ses appels ou de l'empêcher d'accéder librement au domicile conjugal sont des violations caractérisées du devoir d'assistance.

Le devoir de respect et les violences

Violences physiques et verbales

Le devoir de respect, expressément ajouté au Code civil par la loi du 4 avril 2006, vise en premier lieu à lutter contre les violences conjugales. Les violences physiques, telles que les coups et blessures, constituent un manquement grave à ce devoir et une cause évidente de divorce pour faute. Ces faits sont souvent prouvés par des certificats médicaux, des dépôts de plainte ou des témoignages. Les violences peuvent également être verbales. Les insultes, les propos humiliants, le dénigrement constant ou les scènes de ménage particulièrement intenses et répétées, surtout en présence des enfants, sont considérés comme des violations du devoir de respect et peuvent justifier le prononcé d'un divorce aux torts de leur auteur.

Violences psychologiques et excès (professionnels, religieux)

Au-delà des atteintes physiques et verbales, le manquement au devoir de respect peut résulter de violences psychologiques, plus insidieuses mais tout aussi destructrices. Il peut s'agir d'un comportement autoritaire et contrôlant, visant à isoler le conjoint de ses proches, à lui imposer un mode de vie ou des tenues vestimentaires. Le harcèlement moral est une forme de violence psychologique reconnue comme une faute. Le devoir de respect peut aussi être violé par des "excès" de toutes sortes. Un investissement professionnel démesuré au détriment de la vie de famille, ou un fanatisme religieux qui conduit à un prosélytisme constant et à l'isolement social du couple, sont des comportements qui, par leur caractère excessif, ont été qualifiés de fautifs par les tribunaux.

Les nouvelles variétés de fautes conjugales reconnues

Alcoolisme, transsexualité, conditions de vie (animaux)

La jurisprudence fait preuve de pragmatisme et adapte la notion de faute à l'évolution de la société. Ainsi, l'alcoolisme chronique d'un conjoint, lorsqu'il empêche toute vie de couple et familiale normale, est une faute. Concernant la transsexualité, ce n'est pas le changement de sexe en lui-même qui est fautif, mais les circonstances qui l'entourent. La dissimulation, le manque de dialogue et le mépris des sentiments du conjoint peuvent transformer cette situation en une violation du devoir de loyauté et de respect. Plus anecdotique en apparence, mais tout aussi réel, le fait de rendre le domicile conjugal inhabitable par la prolifération d'animaux a été jugé comme une faute. Dans une affaire, la présence de huit chiens et vingt chats a été considérée comme une violation grave des obligations du mariage.

Impact des fautes sur l'entourage (enfants, belle-famille)

Une faute n'a pas besoin d'être dirigée directement contre le conjoint pour être reconnue. Un comportement gravement répréhensible à l'égard de l'entourage peut rejaillir sur l'époux et constituer une cause de divorce. Les actes de violence ou les agressions sexuelles commis sur les enfants du couple en sont l'exemple le plus tragique. De même, une animosité violente et systématique envers la belle-famille, ayant pour effet d'isoler le conjoint de ses propres parents et de sa famille, a pu être qualifiée de faute. L'attitude d'une mère refusant d'accepter l'homosexualité de sa fille, se montrant injurieuse et la rejetant, a ainsi été jugée comme un comportement fautif ayant rejailli sur la relation conjugale, le père soutenant quant à lui leur enfant.

L'évaluation de la recevabilité et de la gravité des faits reprochés est une démarche complexe qui dépend fortement des circonstances de chaque situation. En la matière, l'assistance d'un avocat est souvent déterminante pour qualifier les fautes et défendre vos droits. Notre cabinet se tient à votre disposition pour analyser votre situation et vous conseiller sur la meilleure stratégie à adopter.

Sources